Claire Godding
Un bon mix de talents est un levier de performance
C’est au lendemain de la crise financière, en 2009, que la nouvelle BNP Paribas Fortis s’est engagée dans la mise en œuvre d’une politique de prévention des discriminations et de promotion de la diversité. Elle est une des premières entreprises à avoir nommé un Head of Diversity & Inclusion, en la personne de Claire Godding, et à dédier à ce challenge une petite équipe.
C’est une Claire Godding encore tout enthousiasmée par le succès de la 5e édition de la ‘Diversity and Inclusion Week’, organisée une fois l’an chez BNP Paribas Fortis, que nous rencontrons. 2.000 collaborateurs (sur 13.000 !) ont pris part à ce rendez-vous destiné à les sensibiliser aux divers aspects de la diversité et, « à faire vivre, percoler les choses en interne », selon notre interlocutrice. Claire Godding a une idée très précise du déroulement de l’interview. L’intérêt, c’est donner aux entreprises et aux organisations l’envie de se lancer dans la diversité, non ? Plus on sera pragmatique, mieux ce sera. Dont acte.
Une mise au point s’impose avant que ne démarre toute réflexion : si on fait de la diversité, on doit aussi faire de l'inclusion. L'un ne va pas sans l'autre. Souvent, dans les démarches politiques ou administratives visant à promouvoir la diversité, l'accent est mis exclusivement sur le premier volet, en se focalisant sur le nombre de personnes d'origine étrangères, dans chaque tranche d’âge, ou en situation de handicap qui sont recrutées ou que l’on envisage de recruter. « Or, si vous vous contentez d'enrichir la diversité sans travailler sur l'inclusion – c’est-à-dire la capacité pour chacun à se sentir pleinement lui-même au travail –, vous perdez les talents… » Claire Godding a coutume de dire que la diversité, c'est inviter chacun à la fête ; l'inclusion, c'est quand tout le monde danse !
On est plus intelligents collectivement lorsque l'on est divers
Les deux démarches sont-elles simultanées ? Pas de réponse à l'emporte-pièce pour Claire Godding : deux réflexions s'imposent avant d'agir.
Il faut d’abord comprendre, prendre conscience de « pourquoi » on veut agir. Si la réponse est « Il faut, non ? C'est le thème dont tout le monde parle », alors ce n'est pas la peine. « Si, en revanche, la réponse est liée à un besoin d'innover, de retenir les talents, d'en introduire d'autres qui pourraient améliorer la qualité des décisions, de gestion des risques, alors oui, cela vaut la peine d’agir. » Car si l'entreprise ne dispose que de talents semblables (même couleur, même éducation, même niveau d’étude, même environnement social), il n'y a pas – ou moins – de stimulation. Des collaborateurs trop semblables ne se challengent pas à penser différemment et, à terme, cela peut peser sur l'entreprise. « Le concept d'intelligence collective est encore peu répandu, mais il est une réalité. Avec des profils différents autour de la table où se prennent les décisions, mûrissent les réflexions et les projets, vous multipliez les chances de trouver les meilleures idées. Des recherches récentes vont d’ailleurs dans ce sens. Dont une, publiée par Harvard Business Review, qui montre l'influence d'équipes diversifiées (culturellement et en genre) sur l’optimalisation des investissements, notamment. » Claire Godding précise que, dès cette étape de mise en place d’une politique de diversité, il est très important de s’assurer de l'adhésion totale du management.
Il faut ensuite avoir la curiosité de voir où on en est soi-même. Faut-il un travail préliminaire ? Part-on d'une page blanche ? Cela dépendra, en grande partie, de la culture interne. Un audit quantitatif, basé sur des indicateurs (genre, âge, origine, religion, orientation sexuelle) permettra certes de voir où on en est. « Avec cette réserve toutefois qu'il n'est pas toujours facile de 'mesurer' de manière objective le degré de diversité de sa propre organisation. Pour certains indicateurs (genre, âge), c'est facile. Pour d'autres, c'est plus délicat, voire indélicat. Une question générale – et neutre – que l’on peut se poser est ‘est-on représentatif de la diversité qui nous entoure’ ? » À côté de cela, il faut un audit qualitatif : comment les collaborateurs voient-ils, ressentent-ils la multiculturalité dans l'entreprise ? On peut procéder via une grande enquête interne ou par petits groupes. « Plus concrètement cela vaut la peine, lors de cet audit qualitatif, de poser la question suivante ‘d'après vous, a-t-on les mêmes chances dans cette entreprise si on n’est pas blanc ?’ La réponse à cette question fera souvent prendre conscience que quand on fait partie d'une majorité, on ne voit pas la réalité de la minorité... »